Les nats

ANAWRATHA ET LES NATS

Bien que le Bouddhisme soit la religion officielle de la Birmanie depuis le concile de Patalipootra en 241 Av J.C., le culte des esprits ou l'animisme sont encore pratiqués sans discontinuité.

Quand le Bouddhisme devint la religion de la majorité écrasante des Birmans, il ne réussit pas à effacer ces cultes.

Au départ ces pratiques animistes matérialisées dans le culte des Nats, étaient associées à la nature, aux montagnes, aux rivières. Puis ils devinrent les esprits tutélaires des lieux. Bien sur on n'avait jamais vu les démons ou les fantomes, mais ce n'était pas une raison suffisante pour ne pas y croire. Ainsi les Nats continuèrent à occuper la place centrale dans la vie quotidienne des birmans bouddhistes.

Avant la venue sur le trône de Bagan au XIe siècle du grand roi fondateur Anawratha, les birmans édifiaient de petits sanctuaires (les maisons des esprits) pour s'attirer les faveurs des Nats de la terre quand on les dérangeait. Le culte s'étendait également aux champs mis en culture. Offrandes quotidiennes, encens, fleurs, nourriture Il s'agissait de s'attirer toutes les faveurs des nats gardiens, de repousser le mauvais sort.

Certains Nats étaient considérés comme des Nats supérieurs car issus de personnages historiques ayant réellement existés et victimes d'une mort violente ou injuste. Des figures de l'hindhouisme et des Boddhisatwa (du culte bouddhiste Mahayana) leur furent associés.

Choc frontal donc avec le Bouddhisme Theravada. Anawratha voulu se débarrasser du culte animiste et ordonna la destruction de tous les sanctuaires, fit regrouper les effigies hindoues du culte dans un temple de Vishnu profané et renommé Nathlaung Kyaung (le monastère des Nats prisonniers)

Dans le même temps au Mont Popa, un volcan proche de Bagan considéré comme la résidence des 36 Nats les plus puissants, tous les sacrifices d'animaux furent interdits. Mais les birmans continuèrent à pratiquer ces cultes en secret chez eux.

Aussi Anawratha changea-t-il sa position et autorisa -t-il finalement la représentation des Nats dans l'enceinte des Paya, y compris dans la plus sacrée d'entre elles, la Shwezigon.

Enfin il leur associa un 37e Nat, Thagyamin, une divinité hindoue inspirée d'Indra qu'il couronna comme"roi des Nats". Habile récupération puisqu'Indra était un serviteur zélé de Bouddha ce qui permettait à Anawratha d'intégrer les Nats au panthéon bouddhiste.

37 NATS ET QUELQUES AUTRES

En quelques siècles et jusqu'à aujourd'hui c'est ainsi que se présente la cosmogonie birmane : la préeminence du Bouddha et de son enseignement, suivi par les nats hindous et les nats birmans, chacun se partageant les spères des préoccupations : au bouddhisme, les vies futures, aux nats les problèmes de la vie quotidienne.

C'est ainsi qu'une mauvaise action peut être corrigée par des offrandes à Thagyamin (le roi des nats) qui tient le livre les bonnes actions (un livre aux feuilles d'or) et le livre des mauvaises actions (un livre en peau de chien).

L'étudiant ira faire ses offrandes à Thurathati, le Nat chargé de l'étude.

Mais l'un des Nats les plus vénérés et des plus anciens c'est Mahagiri,"le seigneur de la grande montagne dans la maison", c'est le nat de la maison. Présent dans la plupart des maisons, ce nat est représenté souvent par une grosse noix de coco recouverte d'un turban rouge. Il reçoit des offrandes quotidiennes et c'est sans doute le seul Nat vénéré régulièrement.

La plupart des Nats ont désormais leur sanctuaire dans les Payas et on les honore soit lors de pélerinages soit lors de la pleine lune.

Hormis ces 37 nats"célèbres", il faut encore compter avec les nats plus anonymes : celui qui au pied d'un arbre (souvent un banian, l'arbre de l'illumination bouddhiste) est censé être de bon augure pour tout le voisinage ou celui qui à l'entrée d'un village est censé en être le gardien. Le choix de leur emplacement est toujours l'uvre d'un chamane.

A ce culte complexe dont la tendance actuelle consiste à ne garder que le culte du Nat de la maison, et les superstitions liées aux couleurs rouge et blanc (petits morceaux d'étoffes accrochés aux voitures) et le fait de ne pas manger du porc (offensant pour le monde des esprits) vient s'ajouter la peur d'être possédé par un mauvais esprit. Mais pour les birmans bouddhistes et respectueux des 5 préceptes (prohibition du mensonge, du vol, du meurtre, des relations sexuelles illicites, de l'ivrognerie), il n'y a pas de crainte à avoir car leur adhésion au Bouddhisme les rend supérieurs aux Nats.

LES NATS PWE

Pour se concilier les faveurs des Nats, il faut les évoquer au cours de spectacles bruyants destinés à attirer les esprits, les Nats Pwè. La musique traditionnelle birmane trouve là sa justification. Dans certaines régions, la veille d'un noviciat, un Nat Pwe se tient pour obtenir la bénédiction des Nats.

Un Nat Pwe peut se tenir pendant 24 heures. Désormais il se limite en général à une nuit. Pour s'incarner pendant la fête, les Nats ont besoin d'un médium (Nat-gadaw).

La plupart de ces médiums sont des femmes ou de hommes travestis et qui chantent et qui invitent les Nats à les posséder. Puis ils entrent en transe et se livrent à toutes sortes d'actions extravagantes. Quelquefois mais c'est plus rare l'esprit d'un nat peut aller s'incarner chez un simple spectateur.

Dans un tel cas si l'on a été possédé par un nat, une seule fois, il faut avoir recours aux services d'un moine bouddhiste spécialisé dans l'exorcisme, sinon on restera dans une sorte d'anormalité toute sa vie. Ce fait ne vaut pas pour les médiums, devenus de véritables spécialistes de la possession.

Dans les fêtes (nombreuses et souvent bouddhistes) une partie est réservée à une nat pwe. La plus célèbre au mois d'Aout est la fête annuelle des Nats de Taungbyon à environ 20 km de Mandalay. On y vénère les frères Byat-wi et Byat-ta, 2 célèbres nats de l'époque de Bagan. C'est aussi pendant une semaine un grand rassemblement des nat-gadaw (les médiums) qui passent leur temps à écouter la musique, et à invoquer les nats.